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classification des êtres vivants

Classer les êtres vivants c’est rechercher leurs points communs pour effectuer des regroupements, c’est rechercher une certaine unité dans la diversité. Des résultats de cette activité naît la notion de parenté entre les êtres vivants : plus des êtres vivants présentent des caractères (appelés également " attributs ") en commun, plus ils sont apparentés. On devine derrière ces " parentés " une idée d’évolution.

Classer selon certains critères : homologie et analogie

Il existe un obstacle majeur aux parentés ainsi trouvées. Les liens de parenté ainsi établis reposent intégralement sur le choix des critères de comparaison. Sont-ils tous fiables ?

 

 

Si le critère principal choisi est par exemple le milieu de vie : requin et dauphin sont les plus apparentés, ils partagent ce milieu de vie en commun.
Si " l’allure " général des animaux est comparé : requin et dauphin sont les plus apparentés, ils ont une morphologie semblable, des nageoires…
Si le critère retenu est, soit l’appareil respiratoire, soit le mode de reproduction (et les organes associés) : alors le dauphin et le chien sont les plus apparentés.
Il faut bien catégoriser les critères de comparaison.

Tout d’abord, on ne peut comparer que ce qui est réellement observé : les liens de parenté sont établis sur la base des ressemblances et non des différences. Dire que deux êtres vivants présentant de nombreuses ressemblances sont très apparentés est probablement juste, par contre dire que deux êtres vivants présentant peu de ressemblances (ou beaucoup de différences) sont peu apparentés est faux. Les parentés ne peuvent s’établir qu’à partir de trois êtres vivants dont deux seront plus apparentés entre eux qu’avec le troisième, car ils présentent davantage de caractères en commun. Dans le même esprit, c’est bien le partage de caractères existant en commun qui est pris en compte et non pas l’absence de caractère. Ainsi on ne décrit plus un groupe d’êtres vivants par les caractères qu’il n’ont pas mais par ceux qu’ils ont et partagent avec d’autres (on peut dire qu’il existe des Vertébrés, ce sont les animaux qui possèdent un squelette axial interne formé de vertèbres, mais on ne peut plus parler " d’Invertébrés " dans les classifications actuelles).

Ensuite le milieu de vie ne permet pas d’effectuer des liens de parenté : le monde vivant regorge d’exemples montrant des êtres vivants fortement apparentés vivant dans des environnements très différents (même chose concernant des individus d’une même espèce) et inversement, des êtres vivants très différents partageant les mêmes environnements.

Des morphologies particulières observées résultent d’un " tri sélectif ", conséquence de l’action de l’environnement sur les êtres vivants (voir la partie sur la sélection naturelle) : la convergence de morphologie entre le dauphin et le requin est le résultat de deux histoires évolutives différentes mais concernant deux animaux dont la morphologie est adaptée à la nage. Par contre, si on regarde de plus près leur mode de locomotion, on remarque que le requin a effectivement des nageoires constituées de rayons cartilagineux alors que le dauphin a des pattes constituées de doigts osseux (comme nous) mais rapprochés les uns des autres et recouverts par un épiderme qui n’individualise pas ces doigts. Ces caractères morphologiques qui se ressemblent du fait de l’environnement sont nommés caractères analogues. Les caractères analogues sont associés à des fonctions et ne reflètent pas toujours des liens de parenté. Ces caractères ne peuvent donc pas être pris en compte pour effectuer des regroupements et donc des classements ou classifications évolutives.

Nous utiliserons donc ce que l’on appelle des caractères homologues pour effectuer des comparaisons. Ces caractères homologues ont tout d’abord été des caractères provenant de comparaisons anatomiques (et non morphologiques) ; on effectue actuellement des comparaison de molécules homologues.

Si on compare la nageoire du requin et les pattes du dauphin ainsi que du chien :
D’un point de vue morphologie (forme générale), ce sont des caractères analogues (les formes sont en relation avec l’adaptation au milieu de vie)
D’un point de vue anatomique (organisation interne), ce sont de caractères homologues (les formes semblables sont en relation avec les parentés)

Ci-contre : squelettes de membres antérieur de chien et de dauphin. Le requin ne possède pas d'os dans sa nageoire.

 

Comment savoir si les critères choisis pour classer des êtres vivants correspondent à des caractères homologues et non analogues ?

  Activité : effectuer des regroupements

Pour effectuer des regroupements d'êtres vivants selon leurs parentés on réalise des groupes emboîtés construits à partir des attributs (ce qui veut bien dire "ce que les êtres vivants ont") qu'ils possèdent en communs. Le terme "attribut" désigne aussi bien un caractère (qui sera présent ou absent : donc deux possibilités) qu'un état de caractère (qui lui peut présenter plusieurs variantes).

Par exemple, les six animaux du tableau ci contre vont être décrits selon 4 attributs. L'observation permet d'établir un tableau comparatif dans lequel  "1" indique la présence du caractère considéré et "0" indique l'absence de ce  caractère.

Remarque : les 4 attributs utilisés ici sont des "caractères" au sens strict. Il serait également possible, à partir du caractère "tétrapode" d'effectuer d'autres comparaisons plus poussées en tenant compte des états de de caractère. Les nouveaux attributs seraient alors "5 doigts avec pouce non opposable", "5 doigts avec pouce opposable", "un seul doigt", "2 doigts"... on voit qu'il existe plusieurs attributs quand on envisage des "états d'un caractère".

Comment passer du tableau de comparaison (que l'on pourrait nommer également "tableau d'attribution") à une classification emboîtée ?
La règle est que les regroupements ne peuvent se faire qu'en tenant compte des attributs présents et donc partagés ou non par les êtres vivants. Ainsi, les 6 animaux décrits peuvent tous être regroupés dans une même "boite" correspondant à la présence du caractère "vitellus". parce qu'ils possèdent tous ce caractère en commun, ces animaux sont apparentés. Si on considère le caractère "tétrapode", celui-ci est partagé par par tous les animaux décrits sauf le thon. La règle stipule donc que l'on peut regrouper les autres animaux dans une boite correspondant à la présence de 4 membres mais on ne créé pas de boite "absence de pattes". En effet, on ne peut apparenter les êtres animaux que sur la base du partage de caractères, pas sur ce qu'il ne partagent pas. En d'autres termes la présence de caractère est une preuve, un fait observable indiscutable, alors que l'absence de tel ou tel caractère ne permet aucune interprétation.

Un exemple de classification emboîtée : Tous les êtres vivants décrits dans l'image ci contre sont inclus dans la boite (groupe) bleue : cela signifie qu'ils ont tous en commun l'attribut "vitellus".
Si l'on considère l'attribut "tétrapode" :  souris, tortue et grenouille le possèdent. Ils sont donc inclus dans cette boite (ou groupe) . Par contre le thon en est exclu mais il n'a pas été créé pour autant un groupe "non tétrapode".

 

Règle des parentés : plus deux êtres vivants partagent des attributs en commun plus ils sont apparentés. Ici la souris et la tortue partagent 3 attributs en commun (amnios, tétrapode et vitellus), ce sont les deux animaux les plus apparentés parmi les 4 décrits.

Autres emboîtements possibles

De la même façon on peut placer l'aigle ou le tyrannosaure dans la même boite que la tortue. Il est intéressant de constater que cette méthode permet de placer des fossiles (tel le dinosaure) dans les boites. La méthode consiste bien à montrer des liens de parenté et non à reconstituer des généalogies.

Vous pouvez télécharger "évolcarest" pour effectuer des classifications emboîtées : à partir du sommaire vous devez effectuer les deux activités "classer1" et "classer2"

Lien pour télécharger et installer évolcarest

D'autres logiciels téléchargeables pour étudier les liens de parenté et classer les êtres vivants :

Lien pour télécharger et installer phylogène

Lien pour télécharger et installer phyloboite

Lien pour télécharger et installer phylogénia

Comment passer des classifications par emboîtement à la figuration d’arbres phylogénétiques

A partir de la classification emboîtée, il est possible de fabriquer un arbre phylogénétique.
On considère que si deux êtres vivants possèdent un attribut en commun, c'est qu'ils ont eu un ancêtre commun possédant cet attribut. A partir de cet ancêtre commun, deux lignées ont divergé de façon aléatoire et indépendante, pour donner deux espèces proches.
Par exemple le tyrannosaure et la souris partagent l'attribut "amnios" : ils ont eu un ancêtre commun (noté A3) possédant cet attribut. Par la suite l'attribut "placenta" (en rose) est apparu dans une seule des deux lignées.
Graphiquement, on représentent les liens de parentés ainsi établis par des branches. Chaque "nœud" (en rouge foncé sur l'image) représente l'ancêtre commun aux êtres vivants situés au dessus.

 

 

Ainsi A1 est l'ancêtre commun aux 4 animaux décrits : il possédait l'attribut "vitellus" (en bleu) puisque cet attribut est partagé par les 4 animaux. Dans une lignée divergente apparaît alors l'attribut "tétrapode". cet attribut étant partagé par la souris, le dinosaure et la grenouille, ces 3 animaux ont tous un même ancêtre commun noté A2, possédant cet attribut. de proche en proche on établit un arbre phylogénétique dans lequel chaque branche symbolise un lien de parenté.

Remarque importante :  Les branches de l'arbre phylogénétique figurent des liens de parenté et non une généalogie. L'arbre phylogénétique n'est pas un arbre généalogique dans lequel figurent les "filiations" d'une espèce à une autre. C'est pourquoi dans un arbre phylogénétique tous les êtres vivants sont placés à une même hauteur, y compris les représentants fossiles.

Notions de caractères dérivés et ancestraux

Un caractère ou un état de caractère peut être qualifié de dérivé ou bien d'ancestral.
Un caractère ancestral est un caractère partagé par deux êtres vivants et donc qui existait chez leur ancêtre commun. un caractère dérivé sera, par conséquent, un caractère qui n'existe que chez l'une ou l'autre des deux espèces apparentées. La dénomination "ancestral" ou "dérivé" pour un caractère donné est donc relative et ne peut s'utiliser qu'en parlant d'espèce précises. En effet, un caractère peut être considéré comme ancestral pour certaines espèces mis dérivé pour d'autres.

En reprenant l'exemple figurant dans l'image ci-dessus : 

  • le caractère "vitellus" peut être considéré comme un caractère ancestral pour les 4 animaux : ce caractère est partagé par ces 4 animaux et était donc présent chez leur ancêtre commun noté A1.

  • le caractère "tétrapode" peut alors être considéré comme un caractère dérivé de la lignée menant aux grenouilles, dinosaures et souris, par rapport à la lignée menant aux thons. Ce caractère n'existe pas chez leur ancêtre commun à tous, il n'est pas ancestral, mais dérivé.

  • mais le caractère "tétrapode" peut être considéré comme ancestral si on exclue les poissons de l'étude : c'est en effet un caractère commun à tous les tétrapodes et donc un caractère possédé par l'ancêtre commun à tous les tétrapodes.

En définitive, la désignation d'un état dérivé ou ancestral pour un caractère n'est valable que pour une phylogénie donnée et construite. Il est également intéressant de comprendre que seuls les états dérivés permettent l'obtention de différents groupes et de créer des apparentements. Dans l'exemple déjà utilisé, il aurait été impossible de créer des emboîtements uniquement avec des caractères partagés par tous (les 4 animaux seraient tous dans une même boite et donc impossibles à apparenter les uns par rapport aux autres) : c'est bien la présence de caractères dérivés qui a permis de constituer des emboîtements de plus en plus restrictifs.

Des phylogénies à partir de comparaisons de caractères moléculaires

Il existe des molécules communes aux êtres vivants ayant des ancêtres communs. On cherche à regarder les différences dans ces molécules pour établir des phylogénies moléculaires. On parle d’ailleurs de molécules homologues s’il y a similitude des séquences nucléotidiques et/ou polypeptidiques (au moins 20% d’homologie ou de similitude des séquences).
Toutes les molécules ne sont pas utilisables pour établir des liens de parenté : seules celles pouvant à la fois se " transmettre " à la descendance et " évoluer " sont utilisables. De ce fait, seul l’ADN est utilisable. On y adjoint la possibilité d’utiliser les polypeptides qui, bien que non transmis directement d’une génération à l’autre pour la plupart, sont issus de la transcription et de la traduction des gènes de l’ADN ; il sont des indices imparfaits des séquences nucléotidiques de l’ADN (" l’imperfection vient de la redondance du code génétique pour certains acides aminés).
Autre limite à l’utilisation des molécules : il faut que la molécule étudiée soit partagée par un grand nombre d’individus ou d’espèces puisqu’il s’agit d’établir des liens de parenté. Plus la molécule est partagée par un grand nombre, plus les relations de parentés seront vastes.

Un exemple : établir des liens de parentés à partir de la comparaison des séquences des globines a des vertébrés.
L’hémoglobine est une protéine formée de quatre sous unités appelées globines. Chaque globine correspond donc à une chaîne précise en acides aminés (qu’il est possible de séquencer) associée à un hème (partie non polypeptidique permettant le transport d’une molécule de dioxygène).

  • Comparaison Homme-chien : 16.3 % différences

  • Comparaison carpe-chien : 47.9 % différences

  • Comparaison Homme-carpe : 48.6 % différences

Les différences correspondent au nombre d’acides aminés différents quand on compare des séquences deux à deux. Ces valeurs peuvent être reportées dans un tableau des différences ou tableau des dissimilitudes.

On remarque que la parenté moléculaire est plus grande entre l'Homme et le chien : Ce sont les deux espèces dont les globines a présentent le moins de différences. Les Hommes et les chiens sont plus apparentés entre ex qu’avec la carpe.
On en déduit qu’il existe un ancêtre commun à l'Homme et au chien plus récent dans le temps que l'ancêtre commun aux trois animaux. Les lignées Homme-chien se sont séparées plus tard que la lignée carpe avec ancêtre commun à l'Homme et au chien.
On retranscrit alors ces informations sous la forme d’un arbre phylogénétique :

 

 

Remarques : Si on utilise un vocabulaire rigoureux, il ne s’agit pas d’un arbre " phylogénétique " au sens strict mais d’un arbre " phénétique ". En effet, cet arbre correspond à une comparaison brute des molécules sans se poser la question des possibles convergences moléculaires dues à des mutations reverses : en effet, même si le cas est statistiquement rare, il est possible qu’une mutation intervienne sur un nucléotide déjà changé et permette de retrouver la séquence initiale.

Exemple :
ATTACGGCT devient AATACGCT par une première mutation, puis redevient ATTACGGCT par une seconde mutation. Il y a un retour à l’état initial ou ancestral de la séquence.
De plus, à cause de la redondance du code génétique, certaines mutations de l’ADN ne se répercutent pas dans la séquence du polypeptide traduit (on parle de mutations silencieuses) : dans ce cas, la comparaison de séquences polypeptidiques peut (et c’est fréquent) cacher certaines évolutions. Il est donc préférable de comparer des séquences nucléotidiques plutôt que des séquences polypeptidiques.
La comparaison des molécules permet d’accéder à des valeurs chiffrées (ce qui n’est pas le cas des comparaisons au niveau des organes qui sont davantage " qualitatives " avec des résultats en terme de présence et/ou d’absence de tel ou tel caractère homologue).
Il est donc possible de tenir compte de ces valeurs pour tracer des arbres dont la longueur des branches (qui représentent les liens de parenté) indiquera une distance génétique : plus la branche est longue, plus la distance est grande.

 

 

 

Des recherches avec des molécules peu évoluées (ADN ribosomal, cytochrome C : pigment respiratoire) on permis de remonter la phylogénie jusqu'aux bactéries. C'est l'association des différentes méthodes qui permet d'établir des phylogénies les plus proches possibles de la réalité possible de l'évolution.